POÉSIE
Nous aurons le plaisir de découvrir une nouvelle voix caribéenne dont Patrick Chamoiseau souligne la force de la poésie, nourrie d’influences des « maîtres de la parole », à l’image d’une mangrove dans laquelle la réconciliation puise ses racines chez Edouard Glissant ou Aimé Césaire. Rencontre à la librairie à 19h30 en présence du poète martiniquais Louis-Axel Monlouis Elmin et de Christine Saint-Geours, éditrice de la maison d’édition bordelaise « Aux cailloux des chemins ».
Ici, en ces terres d’îles, la poésie s’ouvre dans la Parole et dans la Voix. Dans la Parole, parce qu’à l’origine nous avons le Conteur, le conteur créole, qui en pleine horreur esclavagiste, se levait pour épeler la vie, promettre l’aube, inventer un futur. Mais il ne faisait pas que paroler, enfiler contes et merveilles. Il ne s’adressait pas à la seule raison, ni aux logiques conscientes : il allait par le biais des symboles et des effets de la Voix, toucher l’inconscient. Les grands conteurs ont souvent voix pas claire : l’on ne comprend pas tout ce qu’ils disent, leur don est dans l’obscur et leur révélation est plus à vivre qu’à percevoir. Leur voix se fait vibration hypnotique pour défaire l’ordonnance du réel, interdits et valeurs qui instituaient la loi esclavagiste. Pour la contester de manière radicale, ils devaient retrouver les effets vibratoires et poétiques de la voix primordiale. (…)
extrait de la préface d’ « À l’aquarelle des mers » par Patrick Chamoiseau
Et c’est d’un pèlerinage qu’il s’agit
entre mer et mangrove
entre tracée de ce que nous croyons être
et Voix de ce que nous ne sommes encore
mais qui nous somme d’en haler l’écho
…
Et sur les voiles de la confusion
chaque mer est un livre ouvert à l’inventaire
chaque plage une page marquée de l’outrage
Mes rives s’en prennent à nos dérives
mes dunes à nos rancunes
mes ombres à nos ombrelles
En vérité je tourne en rond dans l’âtre de nos fondrières
insolents volcans éclos de nos fièvres lacunaires